🔮 *SORTIR DE « L’ENFER DES PARADIS » FISCAUX POUR RATIONALISER NOTRE BUDGET*

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Nous apprenons avec stupĂ©faction Ă  la une du quotidien Les Échos que « le SĂ©nĂ©gal dĂ©chire son accord avec l’Ile Maurice ».
La vĂ©ritĂ© est qu’il prĂ©vaut au SĂ©nĂ©gal un laxisme consternant dans la gestion des finances publiques. Le budget national est plombĂ© par la plĂ©thore de rĂ©gimes dĂ©rogatoires accordant beaucoup trop d’avantages fiscaux (code minier, zone franche, code pĂ©trolier, code des investissements) Ă  des investisseurs, Ă©trangers pour la plupart, sans oublier cette propension incomprĂ©hensible de l’Etat Ă  accorder des remises gracieuses aux multinationales. Pendant ce temps, le gouvernement s’endette de maniĂšre Ă©hontĂ©e pour des dĂ©penses de prestige, tout en privant des secteurs nĂ©vralgiques du minimum vital. D’ailleurs la gestion calamiteuse de la crise de la Covid-19 l’a prouvĂ© Ă  suffisance ! La majeure partie de notre dette  extĂ©rieure est en effet orientĂ©e vers des investissements non prioritaires (TER, ArĂ©na, ArĂšne nationale, CICAD, CitĂ© ministĂ©rielle, etc.), porte grande ouverte pour les malversations : dĂ©tournements, surfacturations, marchĂ©s de grĂ© Ă  grĂ©, rĂ©tro commissions, corruption. A se demander si nos dirigeants ont compris la notion de prioritĂ© ! À croire qu’ils le font exprĂšs ! Leur sport favori  consiste Ă  s’amuser et Ă  dilapider de toutes les façons possibles nos ressources pour se transformer par la suite en mendiants costumĂ©s Ă  la porte des autres nations.

UN ÉTAT QUI FAIT JOUJOU AVEC
SON LEVIER D’ENDETTEMENT

L’impact du processus de l’endettement sur l’aliĂ©nation de la souverainetĂ© Ă©conomique est connu de tous.

DĂ©ficit budgĂ©taire = DEPENSES – RECETTES
RECETTES : impĂŽts et taxes, droits de douanes, recettes non fiscales, dons
DEPENSES : intĂ©rĂȘt de la dette, salaire et fonctionnement, biens et services

En 2005 la dette publique du SĂ©nĂ©gal s’élevait Ă  2465 milliards de F CFA, soit 22.1% du PIB. La communautĂ© financiĂšre internationale, y compris les institutions multilatĂ©rales et les autoritĂ©s nationales, ont ƓuvrĂ© en vue de ramener Ă  un niveau soutenable la charge de l’endettement extĂ©rieur des pays pauvres les plus lourdement endettĂ©s. Le SĂ©nĂ©gal a reconstituĂ© sa dette publique, en dĂ©pit des annulations de dette enregistrĂ©es dans le cadre de l’initiative des Pays pauvres et trĂšs endettĂ©s (PPTE) en 2005. A peine 15 ans aprĂšs, nous voici revenus quasiment au point de dĂ©part. Aujourd’hui, le stock de la dette du SĂ©nĂ©gal a presque quadruplĂ© pour atteindre 8 231 milliards en 2019, soit 58% du PIB. Il faut noter que la capacitĂ© d’endettement n’est pas la capacitĂ© de remboursement (ratio de surendettement). Parler de surendettement d’un État signe qu’une partie de son endettement est jugĂ©e « excessive ». Cela est destinĂ© Ă  lĂ©gitimer des actions telles que : le rĂ©Ă©chelonnement des Ă©chĂ©ances (maintien de la valeur de la crĂ©ance, mais modiïŹcation de l’échĂ©ancier), des rĂ©ductions de dette (annulation d’une partie de la dette) des annulations de dette. Et depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie du Covid-19, les sollicitations d’une nouvelle annulation de la dette africaine se succĂšdent, comme un rituel de conjuration de la pandĂ©mie. AprĂšs la demande des ministres africains des Finances et l’Union africaine pour l’allĂšgement immĂ©diat de la dette, c’est au tour du FMI et la Banque mondiale, du G20 et du prĂ©sident français Emmanuel Macron, d’annoncer un allĂšgement massif de la dette africaine.

POUR LUTTER CONTRE L’ENDETTEMENT :
HALTE AUX PARADIS FISCAUX !

La gestion de nos maigres recettes par nos gouvernants montre toutes les failles dans la gouvernance de ce rĂ©gime. Au niveau des recettes fiscales, le SĂ©nĂ©gal a un faible taux de pression fiscale en 2019 de 17,4% (2434/13983 – recettes fiscales/PIB – LFI2020). Dans les pays dĂ©veloppĂ©s ce taux varie entre 30 et 40% selon l’OCDE (France 46,2%, Allemagne 37,5%, Japon 30,6%). Au SĂ©nĂ©gal, nous pouvons atteindre un taux de pression fiscale de 25%,  pour un supplĂ©ment de 1000 milliards dans notre budget, en exploitant des niches. La principale niche concerne la rĂ©vision des exonĂ©rations d’impĂŽts accordĂ©es Ă  certaines multinationales, la rationalisation des conventions signĂ©es surtout avec des paradis fiscaux (Anguilla, les Bahamas, les Fidji, Guam, les Îles Vierges amĂ©ricaines, les Iles Vierges britanniques, Iles Maurice, Iles CaĂŻman Luxembourg, Oman, le Panama, les Samoa amĂ©ricaines, les Samoa, les Seychelles, TrinitĂ©-et-Tobago et le Vanuatu, etc
). A cause du principe de non double imposition, nous perdons beaucoup d’argent. Les paradis fiscaux se caractĂ©risent principalement par des impĂŽts faibles ou inexistants, le manque d’échange d’informations, le manque de transparence,  l’absence d’exigence d’activitĂ© substantielle et j’en passe !
Une Ă©tude de l’organisme amĂ©ricain, The National Bureau of Economic Research (NBER), rĂ©alisĂ©e en 2017, renseigne que le SĂ©nĂ©gal serait la 8e nation ayant plus d’argent dans les paradis fiscaux. Ainsi ce n’est pas un hasard si, dans notre balance des paiements 2018 (BCEAO 2018), les investissements (IDE + investissements de portefeuille) sortants (1349 milliards) sont supĂ©rieurs aux investissements entrants (48.6 milliards). Lors de la rencontre du Club de Paris en 2018, la reprĂ©sentante de l’Allemagne disait ceci  « une croissance Ă  grande Ă©chelle ne nĂ©cessite pas uniquement des investissements Ă©trangers consĂ©quents. Au contraire les investissements les plus importants sont ceux des sĂ©nĂ©galais eux-mĂȘmes dans leur pays. Car, premiĂšrement, il y’a mathĂ©matiquement bien plus d’investissements si chaque SĂ©nĂ©galais investit dans son pays, mĂȘme s’il s’agit seulement de petits montants. Et deuxiĂšmement, le SĂ©nĂ©gal Ă©mettrait un signal important, permettant de convaincre les investisseurs allemands et d’autres pays que leur argent est bien placĂ©. A ce jour les capitaux privĂ©s des Africains sont placĂ© principalement hors d’Afrique. Le dĂ©veloppement Ă©conomique est donc privĂ© d’un montant de l’ordre de jusqu’à 800 milliards de dollars (476 800 milliards de F CFA) d’oĂč la question suivante : pourquoi investir dans un pays dans lequel ses propres citoyens n’investissent pas ? »

Le 15 fĂ©vrier 2018, Ousmane SONKO avait pourtant alertĂ© l’ExĂ©cutif et l’AssemblĂ©e Nationale sur le danger de signer des conventions de « non double imposition » qui lieraient le SĂ©nĂ©gal Ă  des pays avec statut de paradis fiscaux (Ile Maurice, Luxembourg, …). Le dĂ©putĂ© avait soulevĂ© le risque encouru (Ă©vasion fiscale) par l’État, du fait des entreprises Ă©voluant dans le secteur pĂ©trolier notamment. C’est le cas de Petro-Tim Ltd & Petro-Asia New Co qui sont tous les deux domiciliĂ©s aux Iles CaĂŻmans sous les matricules 265741 & 270031. Ainsi si notre Etat attend jusqu’en 2020 pour « dĂ©chirer son accord avec l’üle Maurice » aprĂšs avoir supportĂ© une Ă©vasion fiscale de  plus de 150 milliards, combien avons-nous perdu alors avec les autres paradis fiscaux avant de tenter de combler ce trou par un endettement intempestif ?

Babo Amadou BA




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