IDY EN PREMIÈRE PARTIE DU CONCERT DE MACKY: DU SALAIRE D’EFFICIENCE AU DON/CONTRE-DON PAR LE PROF ABOU KANE

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Lorsqu’un grand musicien comme Youssou Ndour doit jouer un concert, il envoie d’abord des musiciens de moindre envergure en première partie pour chauffer le public. C’est pareil pour les grands combats de lutte, il y a toujours des petits combats avant la grande affiche. On a l’impression que c’est le rôle joué par Idrissa Seck actuellement.

A chacune de ses sorties médiatiques, Idrissa Seck (Idy) déploie une énergie débordante pour tresser des lauriers à Macky Sall et lui renouveler son amitié, son admiration, voire sa déférence. En même temps il en profite pour écorner l’image des autres, même Abdoulaye Wade qui ne peut plus être candidat.
Chacun d’eux a besoin de l’autre comme dans la relation entre un employeur et son employé.

Salaire d’efficience

Le salaire d’efficience est le salaire qu’on paie à un employé tout en sachant qu’il est plus élevé que le salaire du marché (celui qu’on devait lui payer normalement). L’objectif est de le fidéliser et de l’inciter à fournir le maximum d’efforts pour être plus productif.

On sait qu’Idy déclare être contre le 3e mandat de Macky; donc il n’est pas sûr que le président ne lui porte pas un coup de grâce avant l’élection. S’y ajoute qu’il a dit récemment lors d’une conférence de presse que si le Président ne veut pas que quelqu’un passe la nuit, il ne passera pas la nuit. Il parlait au sens propre mais je le ramène au sens figuré de la vie politique, ou carrière si vous voulez .
Le salaire peut être la garantie de passer encore plusieurs nuits en politique; pas de risque qu’on brise sa carrière politique.

Du point de vue économique, cette attitude de l’employeur répond à une certaine rationalité: éviter les coûts de contrôle et les coûts de rotation de la main d’œuvre.

Le coût du contrôle renverrait ici aux moyens que déploierait Macky pour surveiller Idy et voir s’il ne s’allie pas avec d’autres hommes politiques qui sont contre lui.
Le coût de rotation de la main d’œuvre est relatif à la situation où Idy, par manque de motivation ou d’intérêt à s’allier avec Macky, renoncerait à jouer la première partie du concert, l’obligeant à recruter un autre homme
qui aurait besoin de temps pour s’approprier la stratégie et surtout attirer l’attention du public. Comme on est à seulement 9 mois de l’élection, ce serait embarrassant pour lui.

Don/contre-don

Idy fait le job et peut-être même plus ; certains diraient qu’il est trop intelligent pour le travail qu’on lui demande. Mais si on connaît ce qu’est le don/contre-don, on peut comprendre pourquoi il accepte de jouer la première partie.
Le don/contre-don consiste à donner des avantages ou des cadeaux (don) en attente d’une reconnaissance (contre-don).
L’effort consenti par l’employé peut être lié au don que l’employeur lui a fait; il lui fait un contre-don qui appelle un autre don, ainsi de suite.
Économiquement cette stratégie n’est pas rationnelle en ce sens qu’elle est basée uniquement sur la confiance. On investit sans aucune garantie de rendement puisque votre vis-à-vis peut ne pas vous rendre la monnaie de votre pièce. Mais elle peut être efficace si on intègre la dimension politique et sociale puisque le don, qu’il vienne de Macky ou de Idy, est fait publiquement même si pour le moment c’est Idy seul qui parle. Si l’un d’eux n’offre pas le contre-don , la société pourrait lui reprocher d’avoir trahi son allié et puisque c’est mal vu sous nos cieux, le risque électoral est élevé.
C’est comme s’ils avaient tous les deux un bracelet électronique; ils sont suivis.

Aléa moral

L’aléa moral décrit une situation dans laquelle on adopte un comportement différent de ce qu’on a convenu avec quelqu’un simplement parce qu’il ne peut pas observer tout ce qu’on fait (action cachée).
Cela arrive dans toutes les situations où il y a de l’asymétrie d’information, c’est-à-dire le fait que l’un puisse détenir des informations que l’autre n’a pas.

Au Sénégal puisque la politique est devenue un métier dans lequel certains ont fait toute leur carrière , les enjeux de survie font que la confiance n’est pas toujours au rendez-vous entre acteurs.
A terme je pense qu’il faudra qu’on ajoute le métier à la liste des catégories professionnelles en prenant le soin de distinguer les ingénieurs, des cadres et des techniciens en politique.

Pr Abou KANE




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