DIISOO AVEC PAPA MADEMBA BITEYE, DG DE LA SENELEC

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SL : Souleymane Ly

PMB : Papa Mademba Bitèye

 

SL : Bonjour DG. Qu’est ce qui s’est passé entre la baisse du 1er Mars 2017 et aujourd’hui pour qu’on parle de hausse du prix de l’électricité à compter du 1er Décembre 2019 ?

PMB : Bonjour Souleymane. Avant de répondre à ta question, je voudrais rappeler la situation qu’on a connu avant 2012. En cette période, des quartiers restaient des fois cinq (5) à six (6) jours sans électricité. Cela avait créé des émeutes un peu partout dans le pays et l’armée même était dans la rue. J’étais en ce moment là responsable du dispatching national. Je puis vous dire qu’on avait même dépassé le stade de délestage pour être dans le rationnement de l’électricité. Il n’y avait pas suffisamment de production et nos machines fonctionnaient au rythme du « marche ou crève ». Nos compatriotes ont très mal vécu cette période qui avait vu des tailleurs fermer boutique faut d’électricité, des familles perdre plus d’un mois de ration alimentaire avec leurs réfrigérateurs qui ne marchaient plus… Il ne faut pas oublier ces moments de douleur dans l’histoire de SENELEC et des sénégalaises.

Maintenant pour en revenir à votre question, j’aimerais bien que l’on s’entende sur les mots. Au lieu de parler de hausse, parlons tout simplement de réajustement car c’est le terme le plus approprié.

SL : Comment avez vous fait pour dépasser cette situation que vous venez de décrire ?

PMB : En accédant à la magistrature suprême en 2012, en Mars exactement, le Président Macky Sall a, lors du conseil ministériel décentralisé organisé à Diourbel, a décliné sa vision autour du mix énergétique. En nous adossant sur cette vison, nous avons pu doubler le parc de production avec une capacité de près de 1.300 Mégawatts. Le temps de coupure qui était à 900 heures soit 39 jours dans l’année avant l’arrivée du Président Macky Sall est ramené à moins de deux (2) jours de coupure dans l’année.

Les industriels qui venaient nous voir durant cette période difficile pour nous demander de les aider à avoir ne serait ce que six (6) heures d’électricité par jour se retrouvent aujourd’hui à en avoir 24h/24.

SL : Qu’est ce qui avait justifié la baisse de 2017 ?

PMB : Il faut savoir que quand nous avons relevé le défi de la disponibilité de l’énergie, il n’y a pas eu de compensation de l’Etat en 2015 et en 2016. Fort de cela, le Président de la République nous a instruit de répercuter ce bond positif de la SENELEC sur les consommateurs d’où la baisse de Mars 2017.

SL : Qui détermine le revenu de la SENELEC ?

PMB : Le revenu de la SENELEC est déterminé chaque année par le régulateur ; C’est même ce qui me fait dire que ce réajustement n’augmentera en rien le revenu de la boîte. Chaque année, compte tenu de ce que le Gouvernement nous fixe comme obligation et de ce que nous devons faire en terme d’investissement, le régulateur nous fixe le revenu auquel nous avons droit dans l’année.

SL : Maintenant expliquez nous le pourquoi de cette hausse ?

PMB : Souleymane, en 2019 il y’a eu trois trimestres avec des hausses qui cumulées font 89 Milliards de francs CFA que l’Etat a entièrement accepté de prendre en charge. C’est pourquoi lors de ces trois trimestres, on n’a pas parlé de réajustement. Lors du quatrième trimestre, on a eu une hausse de 12 milliards. Cette fois l’Etat a accepté de prendre en charge les 10 milliards avant de répercuter les 2 restants sur le consommateur. C’est pourquoi quand j’entends certains dire que l’Etat a lâché les populations, je me dis qu’ils n’ont pas compris comment cela s’est réellement passé. Rappelons que les 12 milliards correspondent à un taux de 26% sur lesquels l’Etat contribue à hauteur de 20%.

SL : Comment est fait ce réajustement ? Quel en est le mécanisme de distribution ?

PMB : Quand il a fallu procéder au réajustement, le Président Macky nous a donné une instruction forte qui est celle de protéger les couches les plus démunies et faire en sorte qu’elles ne soient pas concernées par cette mesure. C’est ce qui est fait car tous les ménages avec des factures jusqu’à 15.000 francs sont épargnées par ce réajustement. Ils sont 611.203 ménages sur les 1.131.000 clients de la SENELEC soit 54%.

Maintenant pour ceux là dont les factures sont aux alentours de 25.000 francs, c’est à dire les ménages qui disposent de 5 lampes, un réfrigérateur de 100 litres et une télévision en couleur, ils seront réajustés entre 600 et 1200 francs. Ils sont près de 300.000.

SL : Selon vous pourquoi l’Etat a renoncé à une partie de sa subvention aux consommateurs ?

PMB : Merci de parler d’une partie car l’Etat continue toujours sa subvention pour les familles les plus démunies. Maintenant, ce même Etat a d’autres priorités qui mobilisent des ressources. Il y’a la couverture maladie universelle (CMU), le plan Sésame et aujourd’hui la gratuité sur les cancers surtout ceux touchant les femmes pour lesquels l’Etat doit mettre aussi sa subvention. Ceci peut bien expliquer cela.

SL : Pourquoi la SENELEC a la propension de facturer toujours plus les gros consommateurs ?

PMB : Souleymane pour faire simple c’est pour les pousser à économiser l’énergie. Vous savez l’énergie la moins chère est celle là qui n’est pas produite. Nous dépendons beaucoup du pétrole et quand nous produisons en quantité, nous dépensons énormément.

SL : Si le réajustement ne va pas enrichir la SENELEC comme vous l’expliquer, à quoi il va servir alors ?

PMB : Ce réajustement va permettre à la SENELEC durant cette période transitoire de développer son plan d’investissement qui in fine avec le « first gaz » permettra d’avoir des factures réduites à près de 40% avec la baisse des coûts de production. Cela permettra aussi à d’autres sénégalais d’avoir accès à l’université et atteindre un des objectifs du Président de la République : l’accès universel à l’électricité à l’horizon 2025.

Il s’agira avec ce réajustement de permettre à cette société nationale qu’est la SENELEC pour en arriver à ce niveau dans la qualité du service fourni de continuer à être parmi les meilleures sociétés d’Afrique sur le plan technique.

SL : Que répondez vous à ceux qui disent que la SENELEC est déficitaire et qu’elle ne fait pas de bénéfice ?

PMB : Je leur réponds que depuis cinq ans l’entreprise réalise des résultats positifs : 26 Milliards de francs CFA en 2017 et 30 Milliards en 2018.

SL : L’ancien DG de la SENELEC passé aujourd’hui Ministre de l’énergie vantait dans un passé récent l’excellente santé financière de la SENELEC allant même jusqu’à nous dire que vous étiez capable de vendre de l’électricité dans la sous-région. Certains pensent que ce revirement est dû à un niveau de charge élevé de l’entreprise. Qu’en dites vous ?

PMB : Le niveau de charge de la SENELEC est toujours contrôlé par le régulateur. Nous tournons aujourd’hui autour de 8% du chiffre d’affaire là où les sociétés les plus performantes en Afrique de l’Ouest sont entre 9 et 10% de charge. EDF (Electricité De France) qui est la société française en charge de l’énergie est entre 15 et 16% pour la même rubrique.

Effectivement, nous vendons de l’électricité à la sous-région. Pour exemple, nous vendons 8 à 10 Mégawatts à la Gambie présentement.

SL : Qu’est ce qui fait votre fierté quand vous regardez le chemin parcouru entre les années d’avant 2012 et aujourd’hui ?

PMB : Ma fierté c’est de constater ce que nous avons pu bâtir avec l’appui du Président de la République et l’accompagnement de tous les sénégalais. Avec une vision claire, un personnel motivé et engagé, nous avons démontré qu’il était bien possible de sortir une entreprise nationale d’une crise grave sans faire recours à une privatisation. Ça c’est une réelle fierté !

Les sénégalais nous ont accompagnés à travers les collectivités territoriales qui ont mis à notre disposition des terres chaque fois que nous avons voulu construire une nouvelle centrale. L’autre grande fierté c’est doir qu’aujourd’hui le débat n’est plus « il n’y a pas d’électricité et ça coûte cher » ; Ce qui veut dire que le problème de la disponibilité est réglé.

SL : Comment en êtes-vous arrivé à ce niveau de qualité et de stabilité dans la production et la fourniture ?

PMB : Pour en arriver là, l’Etat a consenti à de gros investissements en accompagnant l’entreprise. Rien qu’au niveau de la pipe, il y’a eu des investissements à hauteur de 1.233 Milliards de francs CFA alors qu’avant 2012, ils n’étaient, ces investissements, que de 2 Milliards par an. Au niveau du monde rural, on était à 1.698 villages électrifiés et aujourd’hui nous en sommes à 3.000.

SL : Où en êtes-vous avec le mix énergétique ?

PMB : Cette initiative théorisée en 2012 par le Chef de l’Etat Macky Sall nous l’avons réalisée. Notre parc de production est à 30% d’énergie renouvelable. Rappelons qu’un mix comprend le solaire, l’éolienne et l’hydroélectricité. Dans ce domaine, nous avons même fait mieux que les pays réputés verts.

SL : Est ce que la rumeur qui consiste à dire que les institutions de l’Etat ne paient pas l’électricité est fondée ?

PMB : Non du tout ! Toutes les institutions de l’Etat sont facturées et mieux, elles ne sont pas épargnées par le réajustement. Je le dis et le répète, ce réajustement ne protège que les ménages les plus démunis.

SL : Quid des clients « Woyofal » ?

PMB : Ils sont au même niveau que ceux du poste paiement. Pour eux aussi, la première tranche n’est pas concernée par le réajustement mais la deuxième l’est. Rappeler juste à ces clients que quand ils achètent du crédit « Woyofal », ils paient une redevance. Nous invitons ceux qui ne comprennent pas comment ça fonctionne à se rendre dans nos agences pour plus d’éclaircissement.

SL : Faut-il craindre le retour des délestages ?

PMB : Non ! Je suis catégorique sur ce point. Vous savez, les délestages sont causés par un déficit de production et que l’offre devient inférieure à la demande. Ce qui ne risque pas d’arriver car nous sommes aujourd’hui à 1.300 Mégawatts de capacité alors que la demande tourne autour de 700 Mégawatts. Nous avons même suffisamment de marge pour nous permettre de procéder à l’entretien de nos installations ; Une chose qui était inimaginable avant 2012. A cette période, il suffisait qu’un groupe de 15 ou 9 Mégawatts tombe pour que l’on procède à des délestages et quand il arrivait que l’on perde GTI c’était le black out total parce que notre parc n’était pas résilient.

Savez vous que depuis le 19 Juillet 2016, nous avons perdu la centrale de Sendou qui fait 115 Mégawatts et pourtant cela n’a pas eu d’impact sur la qualité du service offert. Ce qui est une première.

SL : La centrale de Sendou, parlons-en. Qu’est ce qui est prévu pour elle ?

PMB : Sur instruction du Chef de l’Etat, cette centrale sera transformée au gaz.

SL : Est-il prévu une prochaine baisse des coûts ?

PMB : Oui bien sûr. Avec l’arrivée du gaz dans nos machines, nos coûts de production vont baisser de près de 40% et le contrôle des revenus nous permettra de répercuter cette baisse sur les tarifs au grand bonheur de nos compatriotes.

SL : Monsieur le Directeur Général, pour finir, pouvez vous nous expliquer facilement ce réajustement et pourquoi l’on ne doit pas parler de hausse ?

PMB : Souleymane, de manière plus simple, imaginez que vous achetiez un produit qui coûte réellement 1.000 francs à 500 francs juste parce qu’il y’a quelqu’un qui accepte de prendre en charge pour vous les 500 autres francs. Si un jour, votre soutien vous met 400 francs au lieu des 500 habituels parce qu’il a d’autres priorités et que vous payez maintenant 600 francs. Allez vous parler de hausse ou de réajustement ? Nous sommes dans le même cas de figure car jusqu’ici la réalité des prix ne sont pas appliqués et que l’Etat continue de subventionner.

SL : Merci pour votre disponibilité Monsieur Bitèye.

PMB : C’est moi. Pour finir permettez moi de remercier toutes les sénégalaises et tous les sénégalais qui nous ont fait confiance jusqu’ici et qui nous ont permis d’arriver à cette qualité de service en si peu de temps.

 

P.S : Ceci est un dialogue fictif avec son caractère imaginatif appartenant au domaine de la fiction.

Souleymane Ly 




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