Sénégal : Le Macky Nouveau est Arrivé! L’Angélisme Rose-Bonbon D’un Bâtisseur De Cathédrales

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Il faut détruire Carthage et Macky Sall y va de son grain de sel. A défaut de changer la société, il se change lui-même et se veut incompris.

L’élu de 2024 devra remettre rapidement en place la bonne architecture démocratique du Sénégal : une chambre haute et une chambre basse et un régime parlementaire contrôlant un gouvernement dirigé par un Premier ministre. De peur d’une cohabitation forcée, Macky Sall a tout mis à l’envers du décor : à défaut de changer la société, il change lui-même, animé de l’angélisme rose-bonbon d’un bâtisseur de cathédrales qui se croit un génie incompris. 

Convaincu de perdre  les législatives, Macky Sall anticipe et veut éviter la cohabitation. Il ramène la démocratie sénégalaise à un présidentialisme fort en supprimant le poste de Premier ministre (Mamadou Diallo-Tekki, DakarActu, mercredi 17 avril 2019, Me Moussa Sarr, L’Observateur N° 4666 du 17 avril 2019). Même si gouverner c’est prévoir, la politique de la terre brulée ne semble  pas prospérer en la matière, pour deux ans seulement, les Législatives étant prévues en 2022, et l’actuel mandat du président courant jusqu’en 2024. Les Locales de décembre, tenues à bonne date, seront un indice de la descente aux enfers de celui qui rêvait de changer le Sénégal et qui change lui-même, faute d’y être parvenu. Le pouvoir tergiverse donc, en appelant à un dialogue qui pourrait bouleverser le calendrier électoral républicain. Simple répit de courte durée.

Ces signes ne méritent pas l’interprétation que certains leur donnent ; la réalité est plus simple : lorsqu’un Premier ministre n’est plus un fusible et que, sur le plan technique et politique, seul le président compte, garder ce poste relève de l’esthétique, surtout si le chef de l’État s’estime insuffisamment secondé, au point d’en vouloir à tous : les résultats de la présidentielle du 24 février renforceront Macky Sall sur le rôle du chef, seul élu et seul comptable d’un bilan mal défendu, prêchant tout seul en plein désert et dernier arbitre en dernière analyse.

C’est parce que Macky Sall a été pris à son propre jeu d’un angélisme rose-bonbon de bâtisseur de cathédrales : au nom de la lutte contre l’exclusion sociale, il a voulu du zéro partout, au nom d’un universalisme sans prise réelle sur les populations, du point de vue des cinq dimensions conceptuelles que sont l’éducation, la santé, l’emploi, les conditions de vie et la gouvernance ; sa lutte contre la pauvreté par laCouverture médicale universelle et les bourses familiales a produit plus de pauvreté ; certaines études avancent par exemple un seuil de pauvreté multidimensionnelle  estimé à 28% des Sénégalais (Le jJournal de l’économie sénégalaise, 22 décembre 2017).

Pour ces cinq millions 700 mille personnes répertoriées par les statistiques du Registre national unique (Rnu)  validé par le gouvernement dans sa politique de ciblage pour la protection sociale, les programmes qui ont été déroulés pour la réduction de la pauvreté ne suivent pas comme cela devait l’être, rapporte Walf Quotidien qui cite le Dr Anta Sarr Diacko, déléguée générale à la protection sociale ; c’est ce qui explique peut-être son absence du nouvel attelage gouvernemental de Dionne III du 6 avril dernier. Jean-Pierre Senghor n’en dit pas moins (L’Observateur 4668 du 19 avril 2019, page 4).

Au niveau de l’Education, de l’Enseignement et de la Formation, les résultats sont peu conformes aux moyens consentis : les étudiants se battent pour des bourses théoriquement budgétisées et jamais livrées sans une bataille épique et souvent tragique :  Macky Sall a damé le pion à Abdou Diouf  et à Me Wade réunis quand Balla Gaye mort en 2001 se retrouve sous l’odeur âcre de la cordite et des lacrymogènes à Saint-Louis (Mouhamadou Fallou Sène, 15 mai 2018)  et encore à Dakar (Bassirou Faye, 14 août 2014) et l’élève Idrissa Sagna, mort à Ziguinchor le 11 janvier 1991.

Mieux : les établissements privés réceptifs des étudiants orientés renvoient leurs pensionnaires pour un montant faramineux et l’Etat doit parer au plus pressé à doses homéopathiques.

Au niveau de la gouvernance, un glissement sémantique érigé en mode de communication d’État confond les vessies et les lanternes ; ainsi, les réceptions provisoires donnent lieu à des inaugurations grandioses d’une rame du Train express régional, d’un avion flambant neuf tombé en panne le lendemain de son « inauguration », et d’un building baptisé au nom de celui que naguère le président de la République vouait aux gémonies (Pathé Mbodje : Le Secret De Me Cornille, 22 décembre 2012,Macky Sall, Secrétaire général adjoint du Pds, 27 juin 2006).

Le pouvoir  n’a pas seulement multiplié les paradoxes depuis la présidentielle du 24 février dernier avec un premier Ministre d’Étatdes députés qui peuvent reprendre leur mandat après avoir quitté le gouvernement (sic), cette chasse aux sorcières interne à l’Alliance pour la République quand le frère, dans une inspiration insipide, se met et à communiquer et à demander à ceux qui veulent être Iznogoud d’arrêter de se constituer un budget de guère à l’intérieur du parti : malgré une victoire acquise avec un score appréciable, le président élu semble en vouloir au monde entier et veut se mettre plus en avant, paradoxalement au moment où son image passe très mal auprès d’une opinion de plus en plus appauvrie par une politique qui retreint la gestion du temps et de l’espace social. Génie incompris, Macky Sall veut remettre à l’envers ce qui est à l’endroit : sa réforme constitutionnelle paraît ainsi en déphasage avec le temps qu’il lui reste à la tête de la République. Sauf s’il s’installe dans la durée avec ce coup déjà défloré de populations demandant son maintien après 2024 ou l’utilisation d’un joker (un Medvedev) pour revenir cinq ans après.




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