Confessions politiciennes : Moussa et Demba, deux faces d’une même médaille

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Je m’appelle Moussa, suis responsable de la mouvance présidentielle. Je n’ai aucune base fiable mais suis tellement malin que cela ne se sait pas. Je n’ose pas organiser dans mon fief. Tout ce que je sais faire c’est occuper les médias et dire des choses qui choquent pour continuer à exister. Je ne mâche pas ses mots. Je dis des grossièretés et suis capable de sortir des insanités contre un opposant qui ose parler du régime.

Dans ma propre localité, je n’y vais que la nuit venue pour quitter tôt le matin, avant que le jour ne se lève. Cela me permet d’éviter toutes ces ordonnances qu’on risque de me tendre à mon réveil. Toutes ces personnes qui m’ont soutenu avant, je ne peux plus être avec eux. Sérieusement, on n’est plus de la même catégorie sociale. Aujourd’hui, pour me voir il faut faire le pied de grue dans ma nouvelle maison et accepter d’être humilié par les gros bras préposés à ma sécurité.  « Léguikilifa la nak ».

Chaque fois que le Président doit visiter ma localité, je me positionne pour toucher l’argent de la mobilisation avant de me fondre dans la nature. Le jour J, je profite de la mobilisation des autres pour ensuite arborer un grand sourire comme si j’en étais l’artisan. Des fois, il me suffit de trouver dix à vingt personnes avec des pancartes à brandir sous le regard du Président. Pour cela, ses jeunes sont prêts à se battre et jouer des coudes pour se rapprocher et être vus par le leader du parti. Ils savent bien que je les surveille et que si je ne suis pas satisfait ils ne toucheront pas un rond.

Maintenant quand je sens que mon leadership est menacé pour une raison ou une autre, je suis là prêt à mettre beaucoup d’argent dans un grand meeting avec une mobilisation « ndiagandiaye » et un direct à coup de millions sur la 2STV et la TFM.

Quand il m’arrive d’être en bisbille avec le Secrétaire Général du parti, je deviens un grand maître chanteur. Je menace d’aller intégrer l’opposition avant de rappeler à tout le monde que je suis un membre fondateur du parti. Je le fais tout en feignant d’oublier que Macky Sall ne doit rien à personne, à part le peuple, dans son élection de 2012.  La cartographie de son premier score de 25% au premier tour est là pour prouver que c’est le fruit du capital confiance que lui seul, pas un autre, a eu à bénéficier. C’est ce qui avait fait que ses plus grands scores ont été réalisés à Fatick (sa région) et le Fouta (sa région d’origine).

Nous tous qui disons que nous avons fait accéder le candidat Macky à la magistrature suprême savons très bien que c’est faux. Certains d’entre nous n’étaient même pas d’accord qu’il se présente en 2012, étant très pessimistes par rapport à nos chances à ces élections. D’autres continuaient même à négocier avant les élections de 2012 avec le parti qui était au pouvoir, le PDS. Nous avons été nombreux à participer à des rencontres nocturnes avec des responsables du régime de Wade avant le premier tour. C’est seulement à partir du second que nous avons senti que le vent est en train de souffler en faveur de Macky que nous sommes venus nous ranger.

Quand certains de nos alliés me disent avoir porté notre candidat Macky Sall au pouvoir en le soutenant au second tour, je leur pose toujours la question suivante : « aviez-vous le choix ? »

Contre n’importe quel sénégalais au second tour, Wade aurait été défait. La majorité des sénégalais en avait contre Wade et voulait qu’il parte. Aucun opposant à son régime n’osait le soutenir, même si certains ont essayé de donner des consignes sur le terrain à leurs responsables de faire voter pour lui tout en continuant de faire croire au candidat Macky qu’ils sont avec lui.

Seul le peuple s’est occupé de voter contre Wade et de mettre le candidat Macky là où il est. « Loloumoy deug  » !

Par contre Moussa, moi Demba, je suis membre de l’opposition. Avant j’étais avec le Président dans le gouvernement et en cette période je disais qu’il était le meilleur de tous. Je n’acceptaispas qu’on l’attaque. À ces côtés, je traitais les opposants d’alors de tous les noms d’oiseaux.  » Bobounakkmanguiwone ci biir té dafanékhone ».

Je voyageais en première classe. J’étais escorté partout où j’allais et je bénéficiais de tous les privilèges.

Il m’arrivait même dans ma voiture rutilante de sourire bêtement car tout ceci m’étais venu sans crier gare. Tous mes rêves les plus fous étaient devenus réalité.

« Grand bi kheuyrekkdakh ma » !

Dans un premier temps, j’ai été surpris. Ensuite j’ai su qu’il fallait que je me batte et que la première chose à faire c’était de lâcher une bombe concernant un dossier que j’ai eu à gérer afin de d’orienter l’opinion pour qu’elle pense que si je me suis séparé de lui c’est bien à cause de cela et rien d’autre. Je convoque des points de presse juste pour expliquer que je n’ai pas été démis mais que j’ai démissionné de mon plein gré.

Dans la seconde étape et en un temps record, j’ai formé mon propre parti. S’en est suivi le lancement en grande pompe avec une mobilisation « ndiagandiaye » comme j’ai bien appris à le faire.

Maintenant que j’ai une identité politique, commencent les diatribes contre celui que je disais être le meilleur de tous. Tout ce que j’acceptais quand j’étais dedans je commence à le dénoncer. Je dénonce avec véhémence la transhumance même si je constate avoir fait le mouvement contraire. Je ne tolère plus rien. J’applaudis tous ceux qui viennent vers moi et j’insulte tous les autres qui font le mouvement contraire.

Même si le pantalon de Samba est troué, je dis que c’est à cause de Macky. Me demande t’on mon avis sur l’absence des pluies je réponds que c’est à cause de Macky. Personne d’autre ! Vous n’avez pas de mari, c’est lui. Vous n’avez pas de quoi acheter vos cheveux naturels, c’est encore lui. Toutes les mauvaises choses c’est lui. Meme si AliouCissé ne gagne pas, la faute c’est Macky Sall. Je tombe dans le nihilisme total. Je tire un trait sur tout son bilan positif pour me concentrer sur le négatif.

Vous êtes journaliste et que vous parlez en bien du Président alors je dirai que vous émargez au Palais. C’est comme ça. Personne n’a le droit d’être de l’autre bord à part du nôtre. Point final !

Être de notre côté, c’est soutenir le peuple comme si toutes celles et ceux qui sont dans la mouvance ne sont pas de ce peuple. Notre démocratie à nous est hémiplégique !

Dans les réseaux sociaux, il suffit que tu dises du bien du Président pour que je te bloque ou que je ne te parle plus à défaut de ne pouvoir t’insulter.

Dans mon parti on déteste même les opposants qui prennent des galons ou qui nous font ombrage. Il y’a une opposition dans l’opposition. On s’oppose à tous et à tout sauf nous ! On est les seuls à devoir exister. Tous les autres doivent se ranger derrière nous.

Aujourd’hui je dénonce la gabegie au sein du pouvoir et pourtant quand j’y étais je n’ai jamais retourné une partie de mon carburant en disant que c’était trop. Je ne renonçais à aucun privilège. Rien n’était trop grand pour moi !

Maintenant que je n’ai plus tout cela, il faut que ce régime-làdégage.

Moussa et Demba sont deux faces d’une même médaille, il faut savoir les distinguer. Faire de la politique c’est accepter  l’autre et ses idées même si elles sont contraire à ce que nous pensons être juste.

Aujourd’hui sur les réseaux sociaux les dérapages sont tels que l’intolérance commence à prendre le dessus et risque de plonger le pays dans une confrontation de plus en plus inévitable.

La plus grande idiotie d’un homme c’est de croire être plus beau que tout le monde devant son propre miroir.

« Kouneekamngadagouwaalé » !




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